Modernisation du régime des émissions obligataires

Une semaine après la publication de l'ordonnance n°2017-748 du 4 mai 2017 venant refonder le régime de l'agent des suretés, le droit français poursuit sa modernisation avec l'ordonnance  n° 2017-970 du 10 mai 2017 venant modifier en profondeur le régime des émissions obligataires et clarifier le statut du représentant de la masse.

Le cadre juridique relatif aux émissions obligataires, dont l'essentiel de la réglementation relèverait jusqu'à lors d'un décret-loi de 1935 et d'une réforme de 1966, ne répondait plus aux standards actuels du marché et une réforme de ce système pour les émissions destinées aux investisseurs institutionnels s’est avérée nécessaire.

C'est chose faite par l'ordonnance du 10 mai 2017 dont les mesures exposées ci-après visent à rendre le droit français plus attractif. Elle entre en vigueur immédiatement. Pour certaines dispositions, elle dépend néanmoins de la publication de décrets d'application.


Clarification du statut du représentant de la masse 

Sans apporter de grands bouleversements, les mesures relatives aux représentants de la masse vont dans le sens d'une clarification, à la fois des prérogatives du représentant de la masse mais également de ses modes de désignation.

  • La désignation des représentants de la masse

Ces modes de nomination sont à présent clarifiés : il est désormais clairement énoncé que les représentants de la masse sont désignés soit dans le contrat d’émission soit par l’assemblée générale ou, à défaut, par décision de justice à la demande de tout intéressé. En cas d'émission offerte au public, les représentants initiaux sont nommés dans le contrat d'émission.

Pour tenir compte de la tendance actuelle de certains investisseurs institutionnels à se tourner vers des obligations plus sécurisées, il est également précisé que les futurs représentants de la masse pourront être désignés dans l'acte constituant les sûretés prises pour le compte de la masse.

Enfin, dans un souci de conformité au droit de l'Union Européenne l’ordonnance rend possible la désignation d’un représentant de la masse domicilié ou ressortissant d’un Etat membre de l’Union, et non plus seulement d'une personne résidant en France.   

  • Les prérogatives des représentants de la masse

Au titre des prérogatives du représentant de la masse, l'ordonnance lui octroie la possibilité de déléguer ses pouvoirs à un tiers délégataire soumis aux mêmes restrictions. Cette disposition vise surtout à permettre la délégation par le représentant de la masse de la gestion des sûretés à un agent des sûretés.

En outre, les pouvoirs de représentation en justice du représentant de la masse sont précisés. A ce titre, l’article précise que les "actions" énumérées à l’article L. 228-54 du code de commerce et susceptibles d’être engagées par le représentant de la masse sont les actions portées par voie de justice.


Modernisation du régime des émissions obligataires 

Les mesures relatives à l'émission obligataire visent essentiellement à rendre système plus adapté aux conditions de marché et à assurer une plus grande souplesse dans les relations entre les créanciers obligataires et l'émetteur. Ces mesures touchent autant l'émission que les principes gouvernant la vie des obligations.

  • L'émission des obligations

Le cercle des personnes susceptibles de se voir déléguer le pouvoir de procéder à l'émission des obligations par le conseil d'administration ou le directoire est élargi. L'ordonnance fait référence à "toute personne" et non plus à une liste limitative comme dans le système en vigueur. L’émission pourra être ainsi décidée plus rapidement par le délégataire du pouvoir, afin d’être plus réactif en fonction des conditions de marché.

Le financement obligataire des filiales dans les groupes de société est également facilité. En effet il est prévu que l'obligation de présenter deux bilans régulièrement approuvés par les actionnaires peut être remplie non plus par la société émettrice (la filiale) mais par la société garante (en pratique la société-mère). Les filiales dans les groupes de société auront donc désormais la possibilité de procéder directement à l'émission d'obligation à moindre coût sans avoir à passer par la procédure de vérification d'actif et de passif.

  • La vie des obligations

Concernant la vie des obligations, l'ordonnance a retenu une nette distinction entre les émissions retail (titres dont la valeur nominale unitaire est inférieure à 100 000 euros) offertes au public, et les émissions wholesale (titres dont la valeur nominale unitaire est supérieur ou égal à 100 000 euros), réservées à des institutionnels.

S’agissant des émissions constituées d’obligations ne donnant pas accès à des titres de capital à émettre et dont la valeur nominale unitaire est égale ou supérieure à un montant fixé par décret en Conseil d'Etat (en pratique 100 000 euros) le principe devient, grâce à l’ordonnance, la liberté contractuelle. Il en va de même des émissions dont la quotité minimale de négociation est égale ou supérieure à ce montant.

Concrètement, dans ce cadre, les conditions de quorum et de majorité à réunir pour le vote des obligataires sur les propositions qui leur sont soumises, seront définies dans les modalités des obligations, avec une hiérarchisation selon la nature de ces propositions conformément aux standards de marché. Une décision de moindre importance pourra donc par exemple être décidée à la majorité simple, alors que les questions plus essentielles seront elles tranchées à une majorité renforcée.

De plus, puisque les investisseurs institutionnels n'ont pas le même besoin de protection, il est dérogé, toujours dans ce cadre, à la constitution automatique d’une masse des obligataires lorsque l’émission est localisée en France. Egalement l’émetteur pourra corriger unilatéralement une erreur matérielle du contrat d’émission sans avoir à convoquer la masse ou à solliciter l’accord de chacun des obligataires.

Enfin, sur ce point, lorsque l'émission ne constitue pas une offre au public, le contrat d'émission ainsi que tout autre document contractuel afférent à l'émission des obligations, à leur service financier ou à leur couverture peuvent être rédigés en anglais.

Pour l'ensemble des opérations obligataires à présent, l'ordonnance prévoit que les décisions de la masse peuvent être prises à l'issue d'une consultation écrite y compris par voie électronique. Les critères obligeant l’émetteur à convoquer une assemblée générale des obligataires lorsque celui-ci projette l’émission de nouvelles obligations garanties par une sûreté réelle sont également clarifiés. Cette obligation est déclenchée dès lors que la sûreté réelle en question ne bénéficie pas aux obligataires initiaux composant la masse.

Il faut aussi retenir l'allègement du formalisme de l'émission garantie avec la suppression de l'obligation de dresser un acte authentique aux fins de constater le résultat de la souscription des obligations garanties émises.


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