Publications | 20 décembre 2016
Loi Justice du XXIe siècle : quelques ajustements du droit des entreprises en difficulté
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du XXIe siècle ne révolutionne pas le droit français des procédures collectives mais apporte quelques modifications qui méritent d'être relevées, d'autant plus que les codes 2017, publiés avant son vote, ne sont pas à jour de ces modifications.
Bonne lecture et très bonnes fêtes à tous!
Renforcement de la prévention
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La question de l'information des représentants du personnel au stade de l'ouverture d'une procédure confidentielle a longtemps été débattue. Les articles L. 611-3 et L. 611-6 du Code de commerce précisent maintenant que le débiteur n'est pas tenu d'informer le comité d'entreprise ou les représentants du personnel en cas de désignation d'un mandataire ad hoc ou d'ouverture d'une procédure de conciliation.
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Toujours pour encourager le recours aux procédures amiables, l'article L. 621-1 du Code de commerce précise que si les conditions d'ouverture d'une procédure de sauvegarde ne sont pas réunies, le tribunal invite le débiteur à demander l'ouverture d'une procédure de conciliation.
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Le rôle joué par le commissaire aux comptes dans la détection des difficultés est renforcé, puisque celui-ci pourra désormais, dans le cadre de ses pouvoirs d'alerte, demander à être entendu par le président du tribunal. Cette nouvelle possibilité doit permettre au président de détecter plus en amont les difficultés. Le commissaire aux comptes sera, pour les besoins de cette disposition, affranchi du secret professionnel.
Confirmation de la portée du privilège de conciliation
Les praticiens ont pu s'interroger sur la portée du privilège de conciliation depuis l'ordonnance du 12 mars 2014. En effet, l'article L. 626-20 I précisait que les créances garanties par le privilège ne peuvent faire l'objet de remises ou de délais qui n'auraient pas été acceptés par les créanciers, dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement.
Mais cet article n'était pas repris dans la section III du Chapitre VI relative aux comités de créanciers, ce qui aurait pu laisser penser que les comités de créanciers avaient le pouvoir d'imposer des remises ou des délais aux créanciers bénéficiant du privilège de conciliation. Ce risque est expressément écarté, puisque la règle est désormais reprise à l'article L. 626-30-2 du Code de commerce.
Reconstitution des capitaux propres
Depuis 2014, à défaut de reconstitution des capitaux propres devenus inférieurs à la moitié du capital social, l'administrateur judiciaire peut demander, en redressement judiciaire, la désignation d'un mandataire de justice chargé de convoquer l'assemblée compétente et de voter à la place des opposants à cette reconstitution, lorsque le projet de plan prévoit une modification du capital au profit d'une personne s'engageant à respecter le plan (article L. 631-9-1 du Code de commerce).
Le mandataire désigné doit désormais voter la reconstitution du capital à concurrence du montant proposé par l'administrateur, qui pourra donc être supérieur au minimum légal. Cette precision lève le doute existant sur le sujet.
Modification des statuts du débiteur
La loi prévoit des règles de quorum et de majorité spéciales, de nature à neutraliser une éventuelle minorité de blocage pour les assemblées d'associés appelées à statuer sur les modifications statutaires prévues par le plan. Or, ces règles ne s'imposaient que si ces assemblées se réunissaient après l'adoption du plan. Les modifications statutaires prévues dans le projet de plan devront maintenant être votées avant l'adoption du plan par le tribunal, et ce afin d'améliorer la sécurité juridique au bénéfice des différentes parties prenantes.
Malgré ces ajustements, le droit français des procédures collectives ne connaît toujours pas de mécanisme permettant d'imposer une solution aux actionnaires, mis à part le dispositif de l'article L. 631-19-2 du Code de commerce (issu de la loi dite Macron du 6 août 2015), dont les conditions de mise en œuvre sont particulièrement restrictives.
Une évolution pourrait venir du droit communautaire, le projet de directive de la Commission européenne publié le 22 novembre prévoyant un mécanisme de cross-class cram down à l'encontre des actionnaires (vous pouvez consulter notre Newsflash sur ce sujet en cliquant ici).
Prépack cession, confidentialité et offres de reprises
La procédure dite de prépack cession introduite en mars 2014 a fait l'objet de plusieurs utilisations, notamment dans les dossiers Fram et NextiraOne. Cette procédure soulève la question de la compatibilité des exigences de confidentialité, inhérentes à toute procédure de conciliation, et d'une publicité suffisante pour que des offres tierces puissent être reçues.
L'article R. 642-40 du Code de commerce dispose que le tribunal doit s'assurer que compte tenu de la nature de l'activité en cause, les démarches effectuées par le mandataire ad hoc ou le conciliateur ont assuré une publicité suffisante de la préparation de la cession.
Pour permettre au tribunal d'exercer son contrôle, il est désormais prévu à l'article L. 642-2 que le mandataire ad hoc ou le conciliateur devront rendre compte au tribunal des démarches effectuées en vue de recevoir des offres de reprise, et ce nonobstant l'article L. 611-15 relatif à la confidentialité.
Si la justification des mesures de publicité et leur contrôle par le tribunal sont les bienvenus, faute de critère objectif, la nature des mesures de publicité nécessaires à la mise en place d'un prépack cession reste toutefois incertaine.
Encadrement de la vente de gré à gré en liquidation judiciaire
En liquidation judiciaire, il est généralement procédé à la cession des actifs par voie d'enchères. Le juge commissaire peut toutefois autoriser une vente gré à gré, en précisant le prix et les conditions d'une telle vente.
Désormais, il lui faudra également s'assurer qu'une telle vente est "de nature à garantir les intérêts du débiteur". La formule vise à limiter le recours aux ventes de gré à gré aux cas où cela est réellement nécessaire et à faire de la vente aux enchères le mode normal de cession des actifs mobiliers (comme c'est déjà le cas pour les actifs immobiliers).
Règles procédurales
Le législateur a souhaité renforcer l'impartialité des juridictions, principalement à travers deux mesures :
- le Président du tribunal qui a connu le débiteur dans le cadre des mesures de prévention ne pourra plus être désigné juge-commissaire dans la procédure collective dudit débiteur (article L. 621-4) ; et
- le juge-commissaire ne pouvait siéger, à peine de nullité du jugement, dans les formations de jugement ni participer au délibéré de la procédure dans laquelle il a été désigné. Cette règle est étendue, notamment, au juge-commissaire suppléant, au président qui a connu le débiteur en procédure de prévention et au juge commis chargé de recueillir les renseignements sur la situation de l'entreprise (article L. 662-7 du Code de commerce).
Ces principes avaient été anticipés par les tribunaux de commerce les plus importants, et étaient donc en pratique souvent déjà appliqués. Ils deviennent maintenant obligatoires.
Sauf exception, les nouvelles dispositions sont applicables aux procédures ouvertes après le 19 novembre 2016.
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle peut être consultée en intégralité en cliquant ici.
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